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“Voyage au centre” de Cristina De Middel : une traversée migratoire mexicaine

Publié le : 05/07/2024 14:59:33
Catégories : Actualité du laboratoire

“Voyage au centre” de Cristina De Middel : une traversée migratoire mexicaine

La semaine d’ouverture d’Arles continue toujours sous les chapeaux de roue.

Jeudi matin, nous avons eu le privilège de découvrir l'exposition de la photographe Cristina de Middel, "Voyage au Centre", située dans l'église des Pères Prêcheurs. Les Rencontres d'Arles ont choisi de mettre en avant le travail de cette photographe en tant qu'affiche principale.

Retour sur notre expérience.

Le cadre prestigieux des Rencontres d’Arles 

C’est au cœur de la ville, au sein de l’église des Pères Prêcheurs à Arles que Cristina De Middel dévoile son exposition intitulée "Voyage au Centre". L’architecture de l'église crée un décor impressionnant qui donne vie aux thèmes de l’identité et de la migration explorés par Cristina De Middel.

Dès l’instant où le visiteur franchit le seuil des portes de l'église des Pères Prêcheurs, il est transporté directement dans un autre univers ; celui où chaque image est remplie d’histoire et chargée d’émotion. Nous ne sommes plus à Arles, mais bien au milieu du désert de la frontière mexico-californienne. 

Au-delà de son rôle d'espace d'exposition, le lieu devient une véritable plus-value dans la mise en scène artistique de Cristina De Middel, c’est-à-dire qu’il vient consolider l’impact qu’ont les photos prises par la photographe. 

L’approche artistique de Cristina De Middel

Cristina de Middel, née en 1975, est une photographe espagnole qui se démarque par une approche artistique centrée sur le photojournalisme et une capacité à raconter des récits, généralement complexes, à travers l’'image. Elle est reconnue à l'échelle mondiale pour ses photographies qui fusionnent réalité et fiction et qui questionnent les frontières de la pratique documentaire et ses limites. En effet, Cristina de Middel a été journaliste pendant plusieurs années avant de se consacrer à la photographie ce qui a eu une forte influence sur sa pratique artistique par la suite.

 

Les thèmes explorés dans l’exposition “Voyage au centre” 

Conditions de traversée

La traversée met à rude épreuve les capacités émotionnelles et physiques. Les clichés réalisés pour l'exposition témoignent non seulement des paysages désertiques et arides traversés par les migrants, mais aussi de la diversité des personnes qui le font. Enfants, femmes, hommes, personnes âgés…Beaucoup de mexicains décident de passer ces frontières dans l’espoir de rejoindre un monde meilleur.

Cristina De Middel documente la traversée en montrant aussi ceux qui participent aux différentes étapes du voyage des migrants vers les Etats-Unis. Par exemple, elle met en évidence l'action héroïque des Patronas, des femmes de l'État de Veracruz qui, depuis 1995, fournissent de la nourriture et du soutien aux migrants à bord de "La Bestia". 

Même si des bénévoles essaient d’aider et de rendre les conditions de traversée moins difficiles, il y a malheureusement des dangers mortels sur le chemin, comme la chaleur intense du désert, l’hypothermie nocturne, la déshydratation et les fractures graves qui restent souvent non traitées.

 

Questions migratoires et résilience

L'exposition examine la question migratoire de manière critique et approfondie, du départ jusqu’à l’arrivée. La frontière entre Tijuana et San Diego est traversée chaque année par plus de 30 000 migrants, souvent aux mains de cartels qui gèrent le trafic humain dans des conditions dangereuses et précaires. Il arrive fréquemment que les migrants, appelés « pollos » par les passeurs, acceptent de transporter de la marchandise illégale afin de diminuer le coût de leur voyage.

Pour beaucoup de migrants, l’objectif n'est pas seulement de s'installer aux États-Unis définitivement, mais celui de travailler quelques années pour ainsi envoyer de l'argent à leur famille restée au Mexique, avant de retourner de nouveau chez eux. Il s’agit d’un reflet des réalités socio-économiques qui poussent tant de personnes à quitter leur pays malgré les risques extrêmes encourus.


             

Le trajet : de Tapachula à Felicity

Le voyage commence à Tapachula, ville frontalière au sud du Mexique près du Guatemala. Les migrants choisissent souvent cette route vers le nord, en direction de Felicity, une localité en Californie. Fondée en 1986 par Jacques André Istel et Felicia, Felicity est construite en granite sur leur propre terrain. Bien que proclamée "centre du monde" par le conseil des superviseurs du comté d'Imperial en 1989, cette notion de centralité contraste avec la réalité géopolitique et les politiques migratoires strictes qui séparent ces deux mondes. L’exposition explore les contrastes entre la perception de Felicity comme “le centre du monde” et la frontière physique qui reste un obstacle majeur pour les migrants. Cette dichotomie soulève des questions essentielles sur la manière dont une frontière peut avoir un impact sur le destin d’individus qui cherchent simplement à trouver une sécurité financière et économique.

La réponse des États-Unis 

Une partie de l’exposition est consacrée à la politique d’immigration de Donald Trump, autre problème auquel les migrants doivent faire face.

Les politiques américaines telles que "tolérance zéro" ("Remain in Mexico") décidées par le gouvernement de Donald Trump, l’ancien Président des Etats-Unis, sont présentées dans l'exposition comme des réponses politiques caractérisées comme “insensibles à la crise humanitaire qui se déroule”, puisqu’elles ont abouti à la séparation des familles migrantes. À l'échelle nationale et internationale, cette politique a été fortement critiquée en raison de son impact inhumain sur les enfants et les familles.


Organisation et atmosphère de l’exposition

L'objectif de l'exposition est de plonger les visiteurs dans l'expérience des migrants. Des images accompagnent les spectateurs dans leur voyage émotionnel et physique en quête d'un nouvel avenir. Tout le long, au centre de l'église, sont disposées des photographies, d'un côté le Mexique, de l'autre la Californie. Cela évoque l'image de la frontière. Une partie de l'exposition se concentre sur le Mexique, sa culture, les raisons de leur départ, les événements qui se déroulent avant et pendant la traversée. En avançant à travers les différentes sections, les visiteurs sont conduits de l’autre côté de l’installation jusqu'à la frontière californienne, qui apparaît alors comme une sorte d’utopie pour les migrants : un lieu où l'on pourrait dire « Regardez, vous êtes arrivés au paradis ».

De plus, les installations incluent des numéros et des cartes du tarot, telles que "el nopal" (figue de Barbarie) et "el mundo" (le monde) qui symbolisent les thèmes explorés dans les œuvres exposées. Des photos sont exposées pour faire référence à l’illustration, avec un texte explicatif sur le côté. Grâce à ce côté de l’exposition, le visiteur en apprend davantage sur la culture mexicaine et sur la dure réalité de leur quotidien.

Des deux côtés distincts de l’exposition, un espace où l’on peut s'asseoir et écouter de la musique crée une ambiance sonore qui invite à la mise en contexte dans l’univers des migrants et fusionne les influences traditionnelles et contemporaines qui résonnent dans les communautés des deux côtés de la frontière.

 

L'avis de l'équipe

L’exposition de Cristina De Middel a été un véritable coup de cœur pour l’équipe de Nation Photo. Elle est structurée de manière à guider le spectateur à travers les différentes étapes de l'expérience migratoire. De l’arrivée incertaine aux nouveaux départs chargés d'espoir, Cristina de Middel capture chaque moment avec une sensibilité qui transcende les frontières culturelles et linguistiques. Dans son projet "Voyage au Centre", chaque photographie est soigneusement choisie pour non seulement documenter mais aussi pour interpeller le public.

Un travail bouleversant, qui reste en tête bien longtemps.

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